Paris photo, octobre 2008, me voilà dans cette immense salle, un des marchés les plus gigantesques de la photographie qui s'étale devant mes yeux. Des milliers de photographies importées du monde entier, juste pour cet évènement.
On m'avait prévenu pour mon premier salon : "Fais attention Nora, il y a tellement d'images dans ce lieu que tu vas finir par saturer et ne plus rien regarder"
Je découvre ce monde hors du commun, où des gens signent des chèques de 10000 euros devant moi pour acheter des tirages, comme je pourrais me payer un cappuccino. Les images sont omniprésentes, elles s'exhibent, se parlent, se vendent et me fatiguent... Mais une œuvre prend toute son importance dans ce tsunami photographique... Cette photo clairement me fixait droit dans les yeux !
Elle était là présente, géante "l'odalisque" de Lalla Essaydi !
1,20 m sur 1,52 m. J'ai beau me promener dans cette énorme salle, je reviens toujours vers cette brune aux yeux noirs. Cette image forte inspirée d’une œuvre d’Ingres va briser dans mon imaginaire les images “exotiques” et “colonialistes” des femmes arabes tirées de la peinture orientaliste.
Quand je regarde le travail de Lalla Essaydi, je ne respire pas, le cadre est rempli par des écritures tatouées au henné, "le henné c'est la calligraphie des femmes selon elle". Le personnage est souvent central et il est toujours féminin.
Elle met tous les ingrédients de sa vie, toutes ses origines dans chacune de ses œuvres. Lalla Essaydi ce n'est pas juste une belle photo que l'on va accrocher au-dessus de son canapé, c'est un destin imprimé sur du papier fine art !
Cette femme m'a surtout fait comprendre que l'on ne peut pas être photographe auteure sans mettre un morceau de soi dans la photo. Qu'il ne faut pas avoir peur de s'exprimer ! Plus on expose le personnel, plus on touche l'universel.
Grâce à elle j'organise mon travail en amont, je conceptualise et "j'instinctualise" ma série avant de déclencher, je fais cette différence entre prendre une photo et faire une photo. Elle m’a fait comprendre surtout que l'on peut être super doué en technique, si l'on n'a rien à dire, l'image restera une belle image parmi tant d'autres, mais si on met un peu de soi... la photo peut prendre vie et vous hypnotiser, comme cette Odalisque au milieu de ce Paris Photo.